La dentelle se réinvente à Arlanc

Petite fille de dentellière, l’Arlancoise Ginette Bravard, 83 ans, native de Dore-l’Église, a repris la dentelle, le « flambeau-fuseau » familial sur le tard.
Pour perpétuer la tradition, la jeune retraitée d’alors, se forme auprès des associations locales de dentellières, actives sur les territoires d’Ambert et Arlanc.

Photo des mains de Ginette BRAVARD faisant une démonstration de création de dentelle : un savoir-faire très spectaculaire avec de nombreux fuseaux entremêlés
À voir tout l’été au musée de la Dentelle à Arlanc : la démonstration d’un savoir-faire par Ginette Bravard

Au musée de la Dentelle à Arlanc, ouvert tout l’été, Ginette Bravard perpétue une tradition très ancrée sur le territoire.

Un territoire, où, pendant des siècles et jusqu’après-guerre, les femmes restaient seules dans les fermes l’hiver (les maris partant travailler en ville). Elles confectionnaient le tissu prisé par la bourgeoisie ou le clergé. Souvent exploitées par les négociants, ces femmes ne percevaient qu’une faible rétribution pour leurs ouvrages vendus bien plus cher.

Photo de Ginette BRAVARD en tenue de dentellière traditionnelle, assise, avec le carreau de dentelle posé sur ses genoux
La dentelle d’Arlanc : une belle histoire pour Ginette Bravard

Au fil des souvenirs

De Félicie, sa grand-mère, Ginette Bravard a hérité du « carreau » ; ce support de travail utilisé par ces ouvrières aux doigts de fée pour effectuer leur travail, souvent nocturne.
Penchée sur cet outil centenaire, c’est l’air mi-concentrée mi-rêveuse que la dentellière déroule le fil de ses souvenirs ;lorsque, petite, elle observait les femmes du village.

« L’été, les dentellières se réunissaient sous le même arbre. Elles se mettaient à l’ouvrage et papotaient ensemble, tout en surveillant les enfants. Les fuseaux étaient souvent confectionnés dans du merisier sauvage avec lesquels nous faisions des clafoutis », se souvient-elle.
Deux fuseaux, ceux même des gâteaux d’autrefois, dans chaque main, la dentellière arlancoise reproduit aujourd’hui les gestes d’antan.

Le geste appliqué

Là où l’araignée s’emmêlerait peut-être comme beaucoup d’autres les pinceaux, Ginette croise et entrecroise alors les dizaines de fils de lin ou de soie. Dans une logique à faire pâlir les néophytes, rendre envieux les érudits.
Autour d’aiguilles plantées dans le coussinet du carreau, la dentellière passe ainsi d’un point à un autre. Elle suit ensuite à la trace le motif dessiné sur une feuille de papier posé à même le métier.
Loin des cadences industrielles, l’ouvrage progresse à petits pas. Des heures de travail sont nécessaires pour quelques centimètres de dentelle.
À cette allure, grâce aussi à la pratique, Ginette sait reconnaître le bel ouvrage de pièces plus ordinaires.

« Comme pour d’autres formes d’artisanats, certaines dentellières d’Arlanc sortaient du lot », explique Ginette.

Terminée, la « grille » de dentelle viendra s’assembler à d’autres motifs réalisés séparément afin de constituer un ensemble plus important et homogène.

Entre patrimoine et art contemporain

Tombée un peu en désuétude, la dentelle réapparaît pourtant ça et là au gré des modes. Sans jamais pouvoir retrouver l’époque faste où elle servait notamment de marqueur social.

Présentés au musée de la Dentelle à Arlanc, les travaux de ces confectionneuses d’antan dont Ginette Bravard est la fière descendante, évoquent ce luxe d’un autre temps.

Trois artistes contemporains revisitent la dentelle

Pour éviter la naphtaline, et malgré l’évident intérêt historique, anthropologique et esthétique de sa collection permanente, le musée de la Dentelle à Arlanc joue depuis peu la carte de la modernité. En invitant trois artistes contemporains à exposer leurs œuvres en été.

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YANN TERRAT, journaliste – La Gazette de Thiers-Ambert